Arnaud Ryckebush : reconverti en tarterie
Data scientist chez Meetic ou Nexity, Arnaud Ryckebush a bifurqué vers la pâtisserie. Il officie depuis 2020 à rue Montmartre à Paris, dans une boutique baptisée Tartelettes et, après cinq ans d’activité, remporte son pari pâtissier.
Voilà une reconversion réussie. La pâtisserie Tartelettes, installée au 102 rue Montmartre à Paris (2e), a connu des déboires et des victoires. Son cofondateur Arnaud Ryckebush a appris de ses « nombreuses erreurs » ; et les voici, cinq ans plus tard, elle relookée du sous-sol à l’offre et lui pas peu fier des mutations accomplies. Il faut dire qu’il partait de loin. Dans les années 2010, Arnaud Ryckebush est data scientist chez Meetic quand il fabrique son premier gâteau — un cheesecake dont il avait trouvé la recette en ligne — pour ses collègues de bureau. « De voir l’impact que ça a eu sur eux, juste en transformant quelques ingrédients, ça a été un déclic », raconte-t-il. Pour le plaisir, et pour ses proches, il exécute ensuite des recettes de Christophe Michalak ou de Philippe Conticini. En 2016, il s’inscrit au CAP de pâtissier en candidat libre : « Je l’ai envisagé comme un challenge. Je m’entraînais trois ou quatre fois par semaine à la maison et je faisais un CAP blanc tous les week-ends. »
Le pâtissier a beau être autodidacte, il ne laisse rien au hasard. Une fois son diplôme obtenu, il travaille pendant un an le week-end dans une boulangerie-pâtisserie de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Prépare seul toute la pâtisserie de l’enseigne dans la nuit du vendredi au samedi, en plus d’un nouvel emploi chez Nexity. « À côté de ça, j’étais aussi auto-entrepreneur. Je faisais des goûters d’entreprises, des mariages et des anniversaires. »
Quand il décide de se lancer dans la création d’une boutique dédiée aux tartelettes en 2018, il fait appel à Service compris, un incubateur food qui accompagne les personnes en reconversion. Lors de l’examen de son dossier d’admission, un membre du jury tique sur le manque d’ambition de son business plan et lui demande de voir plus grand. C’est Luc Dubanchet, le fondateur d’Omnivore, qui dirige aujourd’hui la division Sirha Food (Sirha Lyon, Europain, etc.). Arnaud retravaille son projet, qui est retenu.
L’aventure suivie par les caméras de M6
D’autres rencontres ont émaillé son parcours. Celle des équipes de M6, qui ont suivi son aventure entrepreneuriale pour l’émission Zone interdite de février 2019 jusqu’à l’ouverture de Tartelettes, en octobre 2019. Celle du covid aussi qui, six mois plus tard, les contraint lui et sa compagne Suzuka Hotokebuchi, cofondatrice de l’entreprise, à fermer boutique.
« Ça a été assez frustrant, souligne-t-il. On était en pleine ascension et du jour au lendemain, il n’y avait plus rien. » Pas suffisant pour les décourager. Une fois leurs salariés au chômage partiel, un site marchand — qui accepte les commandes jusqu’au mercredi pour une livraison le samedi ou le dimanche suivant — est mis en ligne. « Je fabriquais le vendredi, apportais les finitions le samedi matin et on se rendait chez les particuliers en voiture. Paradoxalement, c’était une période assez sympa. Paris était vide, on pouvait s’arrêter en plein milieu de la rue… »
“Le goût plutôt que le coût”
Pour sa pâtisserie, Arnaud Ryckebush fait des choix « guidés par le goût plutôt que par le coût ». Les matières premières sont biologiques et locales « quand cela est possible », mais il « ne communique pas dessus et [n’a] pas envie de [s]’empêcher de travailler de la pistache d’Iran ou des noisettes du Piémont », souligne celui qui « adore » les fruits secs mais « n’est pas très chocolat ».
Terres de café le fournit en cafés de spécialité, pour les pâtisseries comme pour les boissons. De la même manière, le thé lui est vendu par artéfact (Paris 4e) ; et Gilles Matignon, « petit artisan meunier » de Seine-et-Marne, lui livre toutes ses farines, bio. « L’idée c’est de travailler avec des personnes aussi passionnées que nous, des produits dans lesquels on a confiance et qui ont du goût, détaille le pâtissier. Roï, par exemple, des épices Shira [Hendel, cofondateur de l’entreprise, NDLR] est passé par Ferrandi pour la cuisine. Il est souvent en voyage pour déguster des épices, source et teste tout ce qu’il vend. » Le chocolat, dont il laisse la primeur du travail à son équipe, provient de la Chocolaterie de l’Opéra, “couverturier créateur”, qui ne travaille qu’avec les professionnels.
Ne pas oublier que le client est roi
Outre le “syndrome de l’imposteur”, ce qui caractérise une reconversion, selon Arnaud Ryckebush, c’est la nécessaire humilité. « On a nos idées, mais in fine ce sont les clients qui décident. À un moment donné, je fabriquais un curry japonais que je plaçais en insert dans une pâte feuilletée façon tourte. C’était très bon, très beau, mais on en vendait quatre ou cinq parts par jour. Lorsque l’on a lancé la quiche lorraine, c’est parti comme des petits pains », illustre-t-il.
Autre aménagement de la carte, initialement 100 % tartelettes : « On a intégré les viennoiseries, tout ce qui est croissants, pains au chocolat ; ce sont des produits d’appel pour les touristes et pour les salariés quand ils arrivent le matin. Nous avons pas mal gagné en attractivité grâce à cela. » Les formules salées — qui comprennent une part de quiche ou une focaccia accompagnée de salade, avec de nouvelles recettes « toutes les deux ou trois semaines » — ont été revues aussi, axées sur le déjeuner dans cette zone très passante du centre de la capitale. Celles qui incluent un dessert sont à 12,90 € avec cookie, banana bread, marbré ou viennoiserie ; à 14,90 € avec une tartelette au choix.
Des aménagements dans la boutique aussi
Si l’offre a évolué, le lieu aussi a dû être adapté. En profondeur et établi sur deux niveaux — sous-sol et rez-de-chaussée — de 46 m2 chacun, il comportait initialement une salle de 30 places assises. « On est passé à vingt places, puis à douze, puis à huit sans perdre en chiffre d’affaires. Le problème c’est que les gens se sentaient trop bien, il n’y avait pas de turn over. »
L’espace a réduit aussi parce qu’en sous-sol, le labo réalisé par un cuisiniste — « une autre de mes erreurs », souligne le patron — ne partage plus l’étage avec les vestiaires et les WC, remontés au rez-de-chaussée. Le pâtissier a confié cette tâche à un entrepreneur spécialiste du secteur à l’été 2023. L’occasion d’un nouvel aléa. « Il n’était disponible que début septembre et les travaux ont duré trois mois, à une période pendant laquelle nous réalisons généralement pas mal de chiffre d’affaires. » En parallèle, les fondateurs de Tartelettes lancent une deuxième boutique, rue Condorcet (Paris 9e).
Ouverte en septembre 2023, elle doit fermer en décembre. « Ici, la clientèle est touristique ou de bureau, à Condorcet ce sont surtout des résidents. Même si Noël a bien marché, nous ne sommes pas arrivés à trouver la bonne offre et nous n’avions plus de trésorerie pour financer le magasin, déroule Arnaud Ryckebush. Nous avons beaucoup échangé avec d’autres entrepreneurs de Réseau Entreprendre, qui nous ont conseillé de fermer rapidement pour éviter un impact direct sur la marge. »
L’année 2024 se passe beaucoup mieux. « On est en croissance, au même niveau voire plus que notre meilleure année, 2022. » Pour les cinq ans de l’entreprise, Arnaud a proposé à la vente sa version du cheesecake, pendant du gâteau qui l’a amené à transformer sa carrière. Voici une pâtisserie qui a changé des vies.
Instagram : @tartelettes.fr
Site internet : www.tartelettes.fr